Brèves prospectives

QUAND LA FRANCE RURALE REVENDIQUE L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE

Voilà quinze ans que Le Mené, petit territoire breton, a entamé sa mue écologique pour devenir le symbole d’une transition écologique en voie d’achèvement. Pourtant, loin des grandes voies de communication, il était plutôt le symbole des zones rurales enclavées… Mais ses habitants ont décidé de valoriser ses richesses, le vent, la biomasse, le soleil et, surtout, une très forte envie de faire des choses ensemble, pour que le territoire vive, et qu’ils puissent y rester. 

Il y a donc d’abord eu l’usine de méthanisation, qui produit du biogaz à partir des déchets organiques, qui jusque là posaient des gros soucis environnementaux. L’idée a germé à la fin des années 1990 au sein d’une assemblée hétéroclite rassemblant agriculteurs, chasseurs, élus, pêcheurs et simples citoyens, qui voyaient aussi là l’occasion de maintenir le plus d’exploitations agricoles possible. Et qui se sont donc engagés à ne pas augmenter leur cheptel. Implantée sur un terrain acheté par la communauté de communes, l’usine de méthanisation produit chaque année de quoi couvrir les besoins des 3 000 habitations, hors chauffage. De plus, deux réseaux de chaleur alimentés par du bois déchiqueté local sont d’ores et déjà opérationnels, dont l’un dessert 55 locaux – bâtiments communaux, logements sociaux et particuliers – et chauffe plus de 4 000 m2.

Financés jusqu’à 60 % par des investissements publics, les divers projets lancés dans le Mené ont un temps de retour sur investissements moyen de huit ans quand les dépenses énergétiques entraînaient, chaque année, le départ de 9 millions d’euros du territoire : l’argent reste désormais sur le territoire et peut servir à d’autres investissements.

Les motivés du Mené sont néanmoins contraints par le poids des grosses industries, comme celle l’établissement financier de la filière des oléoprotéagineux lié à un syndicat agricole qui n’a aucun intérêt à ce que les agriculteurs organisent leur autonomie ; et soumis aux aléas nationaux des politiques énergétiques décidées en haut lieu, comme l’illustre la suspension de la construction d’un parc éolien participatif, du fait de l’annulation probable par le Conseil d’État, à la demande d’un collectif anti-éoliennes, de l’arrêté fixant le tarif de rachat de l’électricité éolienne. Ils ont par ailleurs quelques difficultés à obtenir le soutien des opérateurs d’électricité dans la mise en place de ce que l’on appelle « l’effacement des consommations électriques », ces coupures (volontaires et gérées par les habitants eux-mêmes) alternatives du chauffage dans les foyers pour de courtes durées qui permettent de limiter la consommation pendant les périodes de pointe.

Une politique énergétique qui tranche avec la France du nucléaire, où tout est agencé et décidé, pour tout le monde, par EDF. Créativité, autonomie, démocratie horizontale, sobriété… de quoi inspirer de nombreux autres territoires.

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